La commune de Spa est située dans la province de Liège en Belgique. Sous l'Ancien Régime elle était administrée par la Principauté de Liège et faisait partie de la châtellenie de Franchimont.
Jadis appelée "Café de l'Europe", Spa est l'une des plus célèbres Villes d'Eaux du monde, elle est renommée pour ses nombreuses sources d'eaux minérales. Située à la lisière de la Forêt des Ardennes, sans industrie polluante, elle reste depuis six siècles une région saine, facilement accessible par son aérodrome, par autoroute et par chemin de fer.
Ce que nous connaissons de la naissance de Spa relève plutôt de la tradition orale que d'une étude archivistique. Bien que les fontaines acides des Ardennes soient connues depuis au moins le début du 2ème millénaire, les sources de Spa, en tant que telles, ne sont, à ce jour, pas citées avant le 15ème siècle. Il est également étonnant de constater que les villages actuels entourant Spa, comme : Creppe, Spixhe, Hestroumont, La Reid, Polleur, Jalhay, Sart se sont développés avant la Ville d'Eaux. Nous pouvons ajouter que Charles le Téméraire, lors de son expédition punitive de 1468, ne connaissait pas le bourg de Spa puisque celui-ci est resté intact.
Les premiers actes diffusés par les autorités locales débutent en 1406. Quelques manuscrits des églises Saint-Paul et Saint-Lambert de Liège sont à retenir : l'acte du 20 septembre 1302 où l'on cite Nicolas (Collin) de Spas, notaire de la Cour de Liège. Ce notaire, encore cité en 1317, est peut être le personnage décrit dans le manuscrit « Nizet » de 1736 et dans la concession de 1326. L'acte le plus important est contenu dans le cartulaire de l'église Saint-Lambert de Liège, il porte le n° 744, fol 408v du 24 juillet 1335, où l'on cite la « ville » de Spas.
L'étymologie du mot « spa » n'est pas indiscutable. Néanmoins, que la souche du nom soit, répandre (du latin) ou plutôt craché (du germain), les philologues estiment que Spa, à l'origine, était une fontaine.
En déduction, avant de devenir une région habitée au début du 14e siècle, Spa était un point d'eau, un lieu. Les archives des 15e et 16e siècles clarifient cette présomption : les terrains situés près de la source sont délimités, selon la cour de justice, par rapport à ce lieu nommé Spa.
Exemple : 1573. Collin fils de feu Antoine le Petit Collin (Leloup, Bredar) nostre confrère (échevin)... une pièce de pré, cortil et jardin extant auprès le pont à Bohy, jondant devant à chemin royal, vers Spau à ry (ruisseau) de Bohy, desoub à bied (bief) du moulin et de 4ème costeit à Bozepreit (Spa est considéré ici comme un point de repère, un lieudit) (4, p. 23v).
L'administration de notre région, c'est-à-dire l'émergence d'un ban , existait au moins en 1335 (Cartulaire de l'église Saint-Lambert de Liège, n° 744, folio 408v). Le ban prit le nom du lieudit Spas. Ce fait prouve que l'attraction pour nos eaux minérales était acquise avant la création du ban. Ce choix prouve qu'étymologiquement le mot « spa » signifie bien notre source d'eau.
Le nom d'un ban ne peut pas être anodin. Pour la chrétienté, une source d'eau représente la naissance, le feu (Creppe et le complexe sidérurgique) évoque l'enfer.
En exemple, le triptyque de Jérôme Boch (1450-1516) intitulé « Le Jardin des Délices ». Les sources d'eau stylisées se trouvent au paradis. Le troisième panneau représente l'enfer, nous y retrouvons, entre autres, le feu, les forges et le moulin à fer.
Si les Princes-Évêques de Liège employaient les sigles*, comme certaines études le prétendent, notre ban aurait pris instantanément le nom SPA. * « Sanitas Per Aquam » signifie santé par les eaux.
Les premières évocations connues, actuellement, sont écrites dans les Cartulaires des églises Saint-Lambert et Saint-Paul de Liège : Spax (1256), Spase (1281), Renars de Space (1283), Nicolas de Spas (1302-1317), ville de Spas (1335).
Néanmoins, d'autres sources d'eau minérale n'ont pas été appelées par le même nom. Avait-elle des spécificités différentes ? Sortait-elle par impulsion, par convulsion, d'où spasme et spasmus en latin ?
Quant à la prolifération du mot « spa ou spas » et les études sur son origine, il suffira maintenant de rechercher un manuscrit comprenant le mot ou le sigle pour prouver l'antériorité du vocable.
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Tous les historiens de l'Ancien Régime mentionnent la famille BREDAR-LE LOUP comme fondatrice du bourg de Spa. D'aucuns font une distinction entre un Spa dit « Nouveau » (centre actuel) par rapport, évidemment, à un Spa plus ancien dit « Vieux-Spa » dont les habitants demeuraient sur les coteaux du ruisseau de Barisart. Hélas aucuns ne présentent les références requises à une représentation valable. Par contre la tradition orale ne peut pas être négligée, la diffusion, dans ce site, des archives de l'État nous confirmera cette conviction.
« Les Leloup descendent du sieur Nicolas Leloup, dit Collin Leloup de Breda, secrétaire de Son Altesse Adolphe de la Marck, évêque et prince de Liège, lequel avait été gratifié par son prince de plusieurs usages, bois et communes à l'entour de la Fontaine du Pouhon à Spa, y vint faire bâtir vers l'an 1320 les premières maisons qu'il y ait en cet endroit et qui existent encore (1736). Il y fixa sa résidence, fut celle proche de la dite Fontaine au levant, car auparavant les buveurs se tenaient dans les petites chaumières qui se voient encore dans l'endroit dit "Vieux Spa". Cet ouvrage écrit en 1736 raconte l'histoire des grandes familles de la région verviétoise. » Retour
« La famille Leloup descend d'Henri Leloup, natif de Breda, « qui acheta, en 1327, au Prince, douze bonniers de bois aux environs de la Fontaine du Pouhon, laquelle étoit pour lors au milieu d'une prairie entourée de bois. Il défricha ce terrain et y fit construire quelques maisons et celles qu'on bâtit après formèrent en peu d'années l'enceinte qui fait présentement la Grand'place. » Haut de page
« Spa est d'une antique existence; mais malheureusement les données nous manquent pour établir chronologiquement sa haute antiquité. Les dévastations dont le pays fut si souvent le théâtre, l'incendie général du Marquisat de Franchimont, dont Spa ressortissait, et qui fut ordonné par Charles le Téméraire, duc de Bourgogne, pour punir la révolte des liégeois contre leur souverain son frère, ont détruit et consumé les archives du pays. Il ne reste que quelques documents épars dans les bibliothèques particulières qui nous mettent sur la voie pour remonter à des époques très reculées. Un de ces documents, le Grand record de l'année 1326, se trouve en notre possession comme un héritage de famille. » Retour
« L'an 1326, le 22 mois de juin, le sieur Colin Leloup de Bréda acquit du sieur Mondesselin, receveur de son altesse au pays de Liège, douze bonniers de bois, situés et gisants proches des Eaux Minérales, dans des forêts de sa dite altesse, et ce pour être les dits bois consommés et convertis en charbon pour servir aux forges que le dit Colin veut faire construire proche de la montagne qui tend vers Theux, joignant les dits bonniers vers Polleignée et Stembert aux montagnes, vers le midi aux éminences de la forêt, à prendre en leur grandeur et étendue, autant que par mesureur juré sera trouvé, pour faire les dits douze bonniers, et ce parmis et au prix de 700 florins liégeois voir qu'il pourra retenir à lui le fond de deux bonniers qui prennent les dites montagnes, près de la fontaine pour convertir en prairie, ainsi et comme il trouvera convenir. » À consulter
Cette pièce est suivie de cette mention : « L'an 1340, Colin fils du dit Colin de Bréda avec Barthélemy son frère, ont fait partage. L'an 1400, Colin, Jean, Paul et Anne soeur, ont divisé leurs biens. »
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1907 : Esquisse historique par Albin Body dans, Traité des Eaux de Spa du docteur R. Wybauw, : un fait présenté comme authentique et trop longtemps accepté comme tel, par cent auteurs à la file est celui qui consiste à attribuer la fondation de Spa à un certain Collin Leloup. On prétend qu'en 1326 l'évêque de Liège lui fit cession d'une quotité de terrain situé près de la source, terrain qu'il défricha. Avec Arsène de Noue nous nous inscrivons en faux contre l'existence de cette donation, dont on ne trouve de trace nulle part.
Mieux que cela nous révoquons aussi en doute l'existence d'un Collin Le Loup, J. P. de Limbourg l'appelle simplement Collin de Breda... Nous expliquerons ailleurs l'origine de cette légende... (ci-dessous).
Nous allons démontrer que Collin Leloup, est le nom d'une famille autochtone, et nullement originaire de la ville de Bréda. Breda ou Bredar ou Bredare, est un nom ou surnom de famille, propre au bourg de Spa ; les individus qui le portaient étaient déjà nombreux au 15e siècle. Dans nos archives, on cite Jehan Bredar en 1439. On trouve Collin Bredar en 1474, 1480, 1494; Thomas Bredar en 1496; Collien Bredaer en 1470. Collin Bredar de Spaux; Collin fils Collin Bredar dit le petit Collin en 1500. Un Guillaume Bredar ou Bredart était bourgmestre en 1595 et en 1597. Haut de page
Remacle Leloup, échevin, signait Remacle Bredar (1572). Son nom accompagné de son paraphe -- assez compliqué -- figure sur le feuillet de garde du registre aux oeuvres de la cour de justice de Spa, de cette même année 1572. Il était encore échevin en 1578.
A la table des actes de l'an 1575 qui figure dans ce même registre, ce même individu signe avec le paraphe identique Remacle Leloup.
Il s'agit donc bien d'un surnom.
La démonstration est inexacte, voir ci-dessous : n° 1. et 2. et les signatures (ICI).
Remarque de l'auteur : si Collin ou Nicolas n'emmène pas dans ses bagages un projet révolutionnaire, qu'importe qu'il soit venu de Hollande ou de Herve (famille Bredar au 14e siècle), l'histoire de Spa ne changea pas par ce détail futile.
1. Remacle Bredar et Remacle Le Loup sont cousins germains, représentants notoires de la 7e génération de la famille Bredar. Ils étaient respectivement maire et greffier de Spa. Leur signature était presque identique.
Réponse à la démonstration d'Albin Body, voir ci-dessus.
2. L'unité de la famille est démontrée : tous les Bredar et tous les Le Loup cités dans les archives de Spa ne forment qu'une famille; consultez les pages 29, 37 à 40, (164 à 168, tableaux généalogiques) de l'ouvrage, Anciennes zones industrielles du Pays de Liège. La négation de cette famille, par Albin Body, est la critique fondamentale de sa réfutation de l'octroi de 1326. Si l'octroi est un faux, comme il le prétend, l'établissement d'un arbre généalogique, reliant les acteurs, eut été impossible. Il faut signaler que les Le Loup, auteurs présumés de la (fausse copie), n'ont jamais établi leur filiation, même la famille anoblie dite Lezaack ne connaissait pas, jusqu'à ce jour son origine.
3. Nous avons découvert l'existence d'une donation de 12 bonniers au même endroit que celui de l'acte de 1326 :
« 22 mars 1608 ... comparurent devant nous Renard Badon échevin de Theux d'une et Simon Léonard Le Loup de Spau (de la 8e génération de la famille Bredar, maître de forges du marteau Bredar ) d'aultre, lequel Renard Badon en suivant sa commission a luy donné, sy qu'il disoit, par son altesse seigneur de Liège de 12 bonniers d'aisemence comme la lettre de ladite donation peult porter, fut sy délibéré qu'il reporta sus en la main dudit mayeur 62 verges d'aisemence prises hors et en moins desdits 12 bonniers estant elle heid BREDAR, jondant vers midi audit Simon… » Retour Haut de page4. L'usine et les forges de la famille Bredar-Leloup se trouvaient au pied de la heid dite « Bredar » (parc actuel, sur la rive droite du Wayai).
5. Les maisons accouplées, aux enseignes « Duloup et du Cornet », de la famille Bredar … fut celle proche de la dite Fontaine au levant… sont citées depuis le début des archives. Actuellement n° 20 à 26 de la rue du Marché.
Il faut souligner que ce bâtiment et l'usine Bredar sont restés dans la famille pendant plusieurs siècles. On peut croire que ces biens étaient considérés comme des reliques patrimoniales.
6. Toutes les maisons et tous les terrains, de la rive droite du Wayai, situés près du Pouhon appartenaient à la famille Bredar.
On découvre les membres de la famille Bredar dès les premiers manuscrits de Spa.
Ils exercent la profession, de leurs aïeux, signalée dans le document de 1326. Ils seront propriétaires, en tout ou en partie, d'au moins 18 usines métallurgiques de Spa, Winanplanche et Marteau.
Tous les renseignements, spécifiques à l'essor de Spa, recueillis dans les archives vont dans le sens du contenu de l'octroi de 1326, aucun ne l'infirme. Cette vérité rejoint la conviction de grands notables de l'Ancien Régime, tels que : Jean Philippe de Limbourg et Jean-Louis Wolff.
La famille Bredar était la plus importante et la plus prestigieuse de Spa.
Pour respecter la tradition orale nous pourrions, à travers les archives, désigner le complexe métallurgique situé sur la rive gauche du Wayai en dessous du confluent, dit « desoub Spa » au 15e et 16e siècles, comme plus ancien que le centre. Nous y trouvons : le fourneau et le marteau dit « Brognart », leur maison (en bas à droite du dessin de Pierriers de 1559) et un peu plus bas, sur le même chemin à côté du bief du marteau, la Chapelle. Pour soutenir la tradition orale : c'est dans cette région que naissent les lieudits "Vielle Voie" puis "Vieux-Spa". Haut de page
L'essor de Spa semble coïncider avec le 14e siècle. Plusieurs faits viennent appuyer cette présomption : le bourg devient le cinquième ban de Franchimont et les archives du début du 15e siècle nous montrent une infrastructure déjà ordonnée. Le bourg de Spa s'est développé au sein du plus ancien bassin sidérurgique du Pays de Liège. Cette métallurgie est née aux abords des minières et gisements de fer, des forêts, et, à une date indéterminée, des cours d'eau. Au début du 15e siècle le ban de Spa abritait deux « vilhes » (région habitée) : le centre formé autour du pouhon principal et l'ancien bourg de Creppe situé dans les lieux-dits Raquet et Hola. Ce sont les deux seules régions de Spa ainsi dénommées. Winanplanche n'est pas citée en tant que « vilhe », mais les manuscrits concernant cette région sont nombreux.
L'infrastructure routière découle, essentiellement, de l'industrie sidérurgique; cependant, trois « herdavoies » sont citées : en 1479 (Bohy), en 1513 (Seel), en 1539 (vilhe de Creppe). La présence des chemins conduisant les troupeaux en dehors des agglomérations suppose un essartage déjà réalisé au moins au 15e siècle.
L'industrie sidérurgique du ban de Spa a compris, au cours du temps, au minimum 16 usines hydrauliques. Elles étaient alimentées, à l'aide de 8 biefs, par les ruisseaux de Barisart, du Wayai, de Creppe et de l'Eau Rouge. Haut de page
L'attraction pour les eaux minérales est indéniable dès le début de la construction de Spa. Le Pouhon est incontestablement le centre du bourg, et l'on peut penser que les deux industries principales se sont développées en même temps.
Si l'on pose comme principe que les vertus des eaux minérales sont connues depuis des temps immémoriaux, les sources de Spa auraient pu être mises en valeur dès leur découverte. Nous supposons que l'obstacle majeur à une exploitation commerciale fut l'absence d'une infrastructure routière, et, celle-ci n'a pu être établie que grâce à l'industrie métallurgique. Et, si nous constatons que les bâtiments nécessaires à l'administration de Spa et les maisons d'habitation se regroupèrent autour du pouhon principal et non autour d'un complexe métallurgique, c'est que l'exploitation commerciale des eaux minérales s'est faite dans la foulée de la mise en place de l'infrastructure industrielle.
La famille Bredar est incontestablement à la base de l'essor de Spa, la réalité des manuscrits rejoint très souvent la légende. Hélas, la position d'Albin Body est à l'origine de l'oubli total du nom BREDAR. On chercherait en vain, à Spa, une marque de reconnaissance.
Georges Heuse